Night Verses a vraiment une trajectoire intéressante. Formé en 2012 par la réunion du chanteur Douglas Robinson et du trio post rock Sound Archives, le groupe californien se taille un joli petit succès dans un style metalcore technique et explosif. Mais après seulement deux albums, Robinson décide de quitter le navire et Night Verses prend une décision radicale : se passer de chanteur et continuer en tant que trio instrumental. L’album qui suit, "From The Gallery Of Sleep" démontre alors à quel point cette décision fait sens. Sans chant, la musique de Night Verses prend toute son ampleur et s’avère un mélange assez inclassable de post metal et de metal progressif, dominé par la créativité impressionnante des trois musiciens, rompus aux ambiances lourdes et aux polyrythmies alambiquées. Leur nouvel album, “Every Sound Has a Color in the Valley of Night Part 1”, enfonce le clou et démontre qu’il est encore possible d’être original sur une scène dominée par les pointures du djent instrumental.
De djent, il en est ici question seulement à la marge, et surtout parce que Aric Importa, le batteur de Night Verses et ancien batteur de Fever 333, est tout bonnement impressionnant du début à la fin de l’album, épaulé par un Reilly Herrera impérial à la basse. Pas de doute, la section rythmique de Night Verses n’a rien à envier aux plus grands du metal prog moderne. Pourtant, les influences du trio sont plutôt à aller chercher ailleurs et notamment du côté du grunge et du stoner, exactement comme… Tool, qui est bel et bien la principale référence des Californiens. Référence qui s’avère particulièrement prégnante sur les titres ‘8 Gates Of Pleasure’, ‘Rose Wire’, ‘Love In A Liminal Space’ qui brillent par leur côté ambient assumé et par leur groove inquiétant. Night Verses ne prend d’ailleurs personne en traître à ce sujet en invitant Justin Chancellor, le bassiste de Tool, à jouer sur le lancinant ‘Séance’.
Mais la véritable originalité de la musique de Night Verses réside dans un son unique, forgé par le guitariste Nick DePirro, et repose sur une combinaison aussi insolite que difficile à maîtriser : des accords ouverts, des harmoniques naturelles d’une précision inouïe et une utilisation intensive de la pédale whammy. A l’inverse d’un Tom Morello qui l’utilise principalement comme un gadget au service de sa propension à l’esbroufe, DePirro expérimente toutes les possibilités du petit boitier rouge de chez DigiTech pour créer de la musique et des ambiances sonores réellement transgressives, utilisant les transpositions instantanées à l’octave et les effets sonores que lui permet la célèbre pédale d’effet comme partie intégrante des compositions. Les excellents ‘Arrival’ et ‘Karma Wheel’ sont les exemples les plus représentatifs de cette démarche créative singulière qui contribue à rendre chaque morceau réellement intéressant.
“Every Sound Has a Color in the Valley of Night Part 1” est un album surprenant et original qui, par son ambiance toute particulière, s’inscrit à contre-courant des productions récentes en matière d’albums instrumentaux. La Partie 2 est déjà enregistrée et devrait sortir sous peu, avec des compositions différentes et… des chanteurs invités. Night Verses n’a donc pas fini de nous surprendre…