“Il n'y a pas d'âge pour se faire plaisir”, semble nous dire Rod Stewart, 80 ans au compteur sur la pochette de ce "Swing Fever". À sa droite, nous retrouvons un curieux personnage : Jools Holland a d'abord débuté chez Squeeze avant de prendre la tangente et de cultiver son propre jardin à la télévision en tant que présentateur respecté d'émissions musicales ou en tant que grand manitou à la tête d'un orchestre (le Rhythm & Blues Orchestra) et collaborant avec les plus grands (Marc Almond, Tom Jones, David Gilmour, Ruby Turner). Un album de reprises consacré au swing est donc sorti de cette collaboration.
Tout d'abord, il ne s'agit nullement d'un mariage de la carpe et du lapin, les deux compères sont de véritables passionnés de musique. Toutefois une ombre se profile dans ce tableau clinquant. Rod The Mod, en perte d'inspiration, avait sorti une série insipide d'albums de reprises (les "Songbooks" des années 2000), qui s'ils ont permis de recueillir un joli pactole sur son compte en banque ont quelque peu décrédibilisé l'artiste en raison d'une obscène solution de facilité et un manque cruel à gagner en termes de qualité artistique. Il est donc légitime d'avoir quelques frayeurs au moment d'ouvrir ce "Swing Fever". Si l'auditeur n'est pas allergique au swing, il verra ses craintes se dissiper.
Ici, le plaisir des interprètes contamine également l'auditeur. L'idée du projet était de dépoussiérer des classiques et de mettre le feu au dancefloor sans pour autant trahir ces standards. L'ami Roderick du Celtic et Jools Holland ont fait un choix judicieux avec un corpus de chansons allant de 1920 à 1950. 'Lullaby Of Broadway' qui ouvre le bal plante le décor à grands coups de cuivres et s'autorise même un instant claquettes. La voix de Rod n'a rien perdu de sa superbe (écoutez sa maitrise du scat sur 'Oh Marie') et nous prouve qu'il est capable de chanter sur tous les genres (vivement un album de metal !). Jools Holland s'éclate au piano entre didactisme et excentricités. Les chœurs féminins sont un peu trop envahissants, mais il s'agit d'un ingrédient propre au genre. Parmi les réussites se trouvent un grandiose 'Night Train' (la chanson la plus jeune, qui date de 1951 !), l'ambitieuse 'Ain't Misbehavin' qui s'autorise d'heureuses sorties de route rythmiques ou 'Almost Like Being In Love' sur lequel résonne une guitare acoustique. L'album s'achève sur une perle ('Tennessee Waltz') qui retrouve les couleurs de la country music chère à Rod Stewart. La durée de 38 minutes n'est pas un grief, les mauvaises langues diront qu'elle est même bien trop longue - il est certain que cette musique de big bang un peu uniforme risque de lasser avant la fin.
Rod et Jools s'amusent et nous amusent avec des reprises dynamiques de swing. Ce 'Swing Fever' corrige le tir
après les insipides albums de reprises des années 2000 mais ne
constitue pas la meilleure porte d'entrée dans la discographie inégale
de l’interprète intemporel de 'Maggie May' ou 'Baby Jane'. Il est temps de donner un digne successeur à l'excellent "The Tears Of Hercules" sorti en 2021...