Chez Tumbleweed Dealer, on ne parle pas en couplet-refrain ni en bpm. On suggère. On dessine des contours flous dans la brume, on laisse les textures s’installer sans jamais forcer le trait. "Dark Green", leur retour après plusieurs années de silence, n’est pas un cri mais un souffle - lourd, épais, presque végétal. Un disque quasi instrumental qui ne cherche ni l’héroïsme ni le crescendo facile, mais une forme d’équilibre mouvant entre groove psyché, stoner contemplatif et progressions lentes, parfois presque jazzy dans l’esprit.
Le morceau d’ouverture, 'A Distant Figure in the Fog', est un titre-programme à lui seul, qui rappelle les premiers travaux de Monkey3. Une silhouette vague qui émerge dans un épais brouillard sonore, sans qu’on sache vraiment si elle s’approche ou disparaît. Le ton est donné : ici, on avance à l’instinct. Pas de narration imposée, mais un fil sensoriel qui guide l’oreille dans un marécage de sonorités organiques.
La guitare, parfois sale et râpeuse, parfois presque liquide, mène la danse. La basse ronronne en arrière-plan comme un moteur fatigué mais obstiné. Et quand le clavier s’invite, c’est toujours pour épaissir l’atmosphère, jamais pour tirer la couverture. 'Ghosts Dressed in Weeds' joue sur cette tension permanente : ça groove, mais doucement, comme si chaque mesure prenait le temps de respirer avant de repartir.
Ce qui marque surtout dans cet album, c’est cette volonté de laisser vivre les morceaux sans les enfermer. Pas de démonstration, pas d’effet de manche, juste des constructions progressives, souvent linéaires, mais ponctuées de micro-accidents qui évitent l’ennui. 'Body of the Bog' en est un bon exemple : le morceau semble tourner en boucle, mais à chaque passage, un détail change, une saturation glisse, une frappe se décale. Il faut ici saluer le travail sur la rythmique. Même dans ces moments plus flottants, l’album conserve sa cohérence : un disque pensé comme une immersion plus que comme une collection de titres.
Tumbleweed Dealer ne cherche ni la performance ni la séduction. C’est une errance instrumentale qui repose sur le climat, l’écoute lente, la sensation plus que l’idée. Il ne plaira pas à tout le monde, mais ceux qui accepteront de s’y laisser glisser y trouveront un territoire sonore singulier, hors des cadres, presque hors du temps.