On aurait pu s’attendre à une plongée autobiographique douloureuse, à un album miroir empreint de tension ou de regrets. Il n’en est rien. Avec "Son of Glen", Jakko M. Jakszyk choisit l’élégance, la délicatesse et la réconciliation. Loin des expérimentations abrasives de King Crimson, il livre ici un disque apaisé, traversé de paysages brumeux et de silences habités.
Dès les premières minutes de 'Ode to Ballina', le ton est posé : une flûte mélancolique, quelques cordes discrètes, un motif acoustique comme venu d’un autre temps. Il y a du Jethro Tull dans cette manière de faire dialoguer la musique folk et l’introspection sans jamais forcer le trait. Jakko ne raconte pas, il suggère. Et c’est cette pudeur qui fait la beauté du disque.
'This Kiss Never Lies' illustre parfaitement cette approche : le chant est murmuré, la composition aérienne, et tout semble suspendu à un fil. Ce n’est pas un disque de confessions, mais de sensations. Même quand le ton s’électrise légèrement, comme sur 'I Told You' - aux accents presque soul et à la rythmique plus marquée -, l’interprétation reste contenue, toujours au service d’une émotion subtile.
Partout, la guitare se faufile à pas feutrés. Des solos disséminés ici et là viennent ponctuer les titres sans jamais les envahir. Des lignes mélodiques ciselées, décimées, comme si chaque note cherchait son point d’équilibre. Jakko joue avec l’espace, laisse respirer sa musique. Il n’a rien à prouver, et c’est peut-être là sa plus grande force.
Et puis vient 'Son of Glen'. Un sommet de l’album, sinon le moment charnière. Sur plus de dix minutes, Jakko s’autorise un pas de côté, plus progressif, plus construit. Le morceau se déploie en strates, entre ruptures de ton et passages plus contemplatifs. Les dissonances y sont rares mais bienvenues, évoquant par éclats Porcupine Tree, et plus encore Esthesis dans cette manière de poser la voix : grave, fluide, presque détachée, mais toujours habitée. Ce sont surtout les chœurs - d’un autre âge, presque rétro - qui donnent au morceau cette texture si particulière. On pense aux années 1970, à ces harmonies vocales pleines d’âme qui venaient adoucir les tensions instrumentales. Ce n’est pas une nostalgie forcée, mais un clin d’œil subtil, presque inconscient.
Avec "Son of Glen", Jakko M. Jakszyk signe un album d’une grande cohérence, qui apaise plus qu’il n’interroge, et qui s’écoute comme on feuillette un carnet de souvenirs - flous, peut-être, mais jamais dénués de chaleur. Un disque qui prend son temps, sans chercher à impressionner, mais qui finit par toucher juste.