Avec "Prologue to Insurrection", Psychic Equalizer franchit un cap. Plus qu’une simple continuité des albums et EP précédents ("The Sixth Extinction", "Revealed"…), ce nouveau disque marque une ambition artistique plus affirmée, plus intime aussi. Le groupe délaisse les effets de manche pour construire une œuvre patiente, pensée comme un arc narratif. Chaque tension, chaque silence, chaque montée est dosée avec minutie, dans une volonté manifeste de laisser l’émotion s’installer durablement.
L’entrée en matière, 'Centuries', donne le ton : riffs sombres, chant à peine murmuré puis fort, puissant, et cette capacité à créer l’urgence sans jamais forcer. Psychic Equalizer privilégie la profondeur à l’immédiateté, la cohérence à la fragmentation. L’enchaînement des titres suit une logique organique, presque cinématographique, où rien ne paraît laissé au hasard. L’album s’écoute comme un tout, une suite de mouvements qui se répondent et s’épaulent.
Au cœur de cette architecture sonore, la voix de Saray Riaño s’impose avec élégance. Sans jamais surjouer, elle se fait tour à tour fragile ou puissante, guidant l’auditeur sans écraser l’instrumentation. Elle s’intègre pleinement à l’identité du groupe, prolongeant sa quête d’équilibre entre les genres et devenant elle-même un vecteur narratif. Sa présence apporte une nuance nouvelle, une respiration douce au sein d’un univers souvent tendu.
Les morceaux se distinguent par leur richesse d’arrangements, qui marient rock progressif, parfois metal, jazz, ambient ou encore musique classique sans les juxtaposer. 'Leaders' déroule un motif instrumental solide, porté par des tensions discrètes mais efficaces. Plus loin, 'Life Will Never Shine on Me' ralentit le tempo pour toucher à l’essentiel, dans une nudité presque désarmante. Le point culminant reste 'Luciana', fresque de 22 minutes à la fois ambitieuse et maîtrisée. On y retrouve toute la grammaire du groupe : ruptures, envolées, silences, et une narration sonore construite avec un rare sens du phrasé musical. Le piano d’Hugo Selles en est le fil rouge, tantôt discret, tantôt moteur, toujours au service de l’ensemble. Il dialogue avec les guitares de Carlos Barragán, parfois mordantes, parfois atmosphériques, et une batterie précise, qui accompagne sans jamais alourdir.
"Prologue to Insurrection" ne cherche pas l’effet facile. C’est un disque de contrastes et d’équilibre, qui se mérite, se découvre peu à peu, et dont la force réside justement dans cette retenue. Une insurrection, oui - mais intérieure, subtile, et profondément humaine.