Deuxième volet d’une trilogie chromatique amorcée avec "Spring In Blue", "Pink Noise Youth" poursuit le chemin singulier tracé par SVNTH, formation italienne à la croisée du blackgaze, du post-rock et du shoegaze. Toujours en équilibre entre tensions électriques et délicatesse instrumentale, le groupe affine ici son identité en explorant cette zone floue entre l’adolescence qui s’efface et l’âge adulte qui s’impose. Un disque plus direct que le précédent qui dépassait l'heure, mais toujours aussi chargé d’émotions. Car sous ses airs de format court - huit morceaux en 37 minutes - se cache une matière sonore dense, qui s’écoute comme on feuillette un journal intime à la lisière du silence et du cri.
Dès 'Inhale', le ton est donné : sitar électrique, textures suspendues, impression d’être dans une chambre noire où les contours se dessinent au gré des larsens et des respirations. On entre ici dans une forme de méditation bruitiste, une plongée au cœur d’un “bruit rose” - ce signal entre ordre et chaos, métaphore parfaite d’une jeunesse en perte de repères. Chaque titre semble répondre à l’autre, dans une architecture circulaire, jusqu’à 'Exhale', point d’apaisement passager acoustique (guitare 12 cordes et sitar) avant l'explosif 'Winter Blues" et la berceuse étrange et finale qu’est 'Nairobi Lullaby'. Entre les deux, SVNTH tisse une narration non linéaire, où le shoegaze flirte avec le post-black et le post-rock avec une liberté troublante.
'Cinnamon Moon' est sans doute l’un des morceaux les plus accessibles du disque. Les guitares y sont plus claires, presque lumineuses, même si un voile mélancolique persiste. Sur 'Perfume', c’est l’émotion pure qui prend le pas : chant à fleur de peau, instrumentation minimaliste, et cette sensation d’une intimité partagée sans fard rappelant le post rock de Mono. À l’inverse, 'Elephant' ou 'Winter Blues' s’engouffrent dans des territoires plus abrasifs, plus sombres aussi, où les tensions ne sont jamais totalement résolues. On pense à Deafheaven ou aux récents travaux de Ihsahn pour cette capacité à faire cohabiter violence et lyrisme, mais avec une retenue plus marquée ici. La batterie, précise sans être démonstrative, devient la colonne vertébrale d’un chaos toujours retenu, comme si SVNTH refusait de sombrer totalement, préférant rester au bord du gouffre.
Mais c’est peut-être sur 'Nairobi Lullaby' que l’album trouve son point d’équilibre. Le titre évoque une berceuse exilée, loin de tout folklore, portée par un motif récurrent, le retour du sitar et une douceur presque irréelle. C’est là que le groupe montre toute sa maîtrise : dans cette capacité à créer du contraste sans rupture, à mêler rugosité et délicatesse sans jamais les opposer frontalement. Une insurrection douce, mais implacable.
"Pink Noise Youth" n’est pas un disque spectaculaire. Il préfère la suggestion à l’affirmation, la tension à la déflagration. Il parle d’une jeunesse qui ne cherche pas à hurler mais à comprendre, à apprivoiser le vacarme intérieur. C’est un album qui se mérite, qui se déplie lentement, et qui finit par s’ancrer profondément. Une œuvre subtile, à la fois fragile et courageuse, qui confirme que SVNTH n’est pas juste un groupe de plus dans le paysage blackgaze.