King Garcia. Cela pourrait être le nom d’un groupe de stoner. En fait, c’est celui que quatre Grecs ont choisi pour cultiver un art qui, s’il peut certes être lourd parfois (nous y reviendrons), baguenaude quelque part entre rock progressif et post rock instrumental.

"Hamelin" est leur premier signe de vie sous cette nouvelle bannière, référence à la ville allemande qui se confond avec la célèbre légende du joueur de flûte qui en 1284 libéra la ville des rats qui l’avaient envahie. S’il est possible d’interpréter cet emprunt historique comme une métaphore moderne, le rat désignant alors les politiciens et autres mollahs qu’il faut chasser, le lien le plus évident avec ce dératiseur réside dans son instrument lui-même, puisque l’un des membres du quatuor, Alex Orfanos, joue de la clarinette (et de la trompette).

C’est ce qui distingue King Garcia du tout-venant. Et quelle différence ! On en vient d’ailleurs à se demander pourquoi ces instruments à vent ne sont pas plus utilisés dans le rock tant ils s’adossent à merveille au triptyque guitare / basse / batterie en un mélange de puissance et d’élan dramatique. Pas besoin de chant dans ces conditions, "Hamelin" s’en passe très bien.

Il en découle un disque réellement étonnant et assez insaisissable, à l’image de sa pochette - superbe - qui suffit déjà à attiser la curiosité, promesse d’un voyage sonore qu’on pressent d’emblée insolite. Un prélude aux teintes médiévales (forcément) comme porte d’entrée puis un premier titre, ‘Anise’ où clarinette et trompette dansent sur un socle riche en plomb auquel elles injectent une sourde mélancolie. Car, s’il vibre d’une énergie folklorique qui le rend souvent accrocheur (‘Sweat’), tout l’album baigne dans une ambiance nocturne parfois (‘Magnolia’), d’une bouleversante beauté toujours.

Celle-ci culmine durant un ‘We Echo’, tout en progression avec sa guitare stratosphérique sur fond de percussions bourgeonnantes. Et que dire de l’immense (à tous points de vue) ‘The Day We Lost Everything’ au titre éloquent, conclusion qui étire son désespoir crépusculaire sur plus de neuf minutes absolument déchirantes durant lesquelles cuivres, guitare et rythmique sont à l’unisson d’une tristesse poignante, comme si demain ne devait plus exister.

Le mariage entre bois, cuivres, quelques samples et les instruments de base de la musique rock enfante une création aussi unique que fascinante et ouvre des possibilités qu’on devine encore à peine déflorées par un King Garcia qui mérite absolument la découverte.