Plus que jamais, Year Of The Cobra n’est vraiment pas ce qu’il a l’air d‘être. Cette nouvelle bûche porte le nom du groupe mais ce n'est évidemment pas son premier album puisque l’ont précédé … "In The Shadows Below" (2016) puis "Ash And Dust" (2019), sans compter les petites bricoles habituelles (EP, split). On notera d’ailleurs au passage que Amy et Johanes ne sont ni très pressés ni très productifs, et le sont même de moins en moins.

Sa pochette en noir et blanc qui se contente de nous les exposer, elle de profil, lui debout au second plan et regardant ailleurs, n’est pas tellement pas engageante. Comme quoi, il ne faut jamais juger un album sur son visuel. Au contraire, beaucoup de très bons disques se présentent en toute simplicité, sous des attributs dépouillés. C’est le cas ici.

Avec son crâne rasé sur les côtés, on craint que la chanteuse crache ses tripes, s’époumone dans un registre punk hardcore peu amène. Or il n’en est rien. Mieux, Amy étonne par la délicatesse mélancolique de sa voix qui fascine, envoûte, séduit dans une veine doom atmosphérique à la Amber Asylum ou Worm Ouroboros (‘Full Sails’), ni gueularde ni prêtresse enfumée mais juste sublime. Comme quoi, là encore, l’habit ne fait pas la nonne.

Malgré la lourdeur goudronneuse de ses compositions, Year Of The Cobra n’accueille pas la moindre ligne de guitare puisque le groupe, réduit à la trinité chant / basse / batterie, s’en passe depuis toujours. D’ailleurs à aucun moment l’absence de cet instrument pourtant emblématique de la musique heavy qui sent sous les bras ne se remarque. Il faut dire que le manche à quatre cordes que serre la belle pallie largement cette carence, une saillie telle que ‘Sleep’ par exemple, l’illustre de la plus croûteuse des manières. La frappe de Johanes n’étant pas en reste (‘The Darkness’ et sa rythmique de mammouth, survolé qui plus est par le chant puissamment dramatique de Amy), le disque n’a vraiment pas besoin de guitare pour affoler le compteur Geiger.

Pour toutes ses raisons, Year Of The Cobra (le groupe comme l’album) surprend. Ainsi, alors qu’on s’attendait à voir nos oreilles saigner par un doom bien méchant, ce sont inversement des sonorités presque douces (le curieux ‘Alone’), parfois accrocheuses voire rapides (‘Daemonium’), toujours ultra plombées cependant (‘War Drop’) qui nous enveloppent jusqu’au terminal ‘Prayer’, lancinante conclusion qui étend un tapis brumeux durant plus de sept minutes. 

Year Of The Cobra n’est décidément pas un groupe de doom à chanteuse comme les autres, comme le confirme ce troisième album à la fois pesant et délicat.